Les machines du Docteur Roth (1800-1885)


Eléments biographiques
     




I) David-Didier
Roth, émigré hongrois, médecin homéopathe.

Source :
Brody, Judith.- An émigré physician : Dr David (Didier) Roth, homeopath, art collector, and inventor of calculating machines.- Journal of Medical Biography, 2000; 8; pages 215-219.

Extrait (traduction non littérale)

David (Didier) Roth est né en 1800 à Cassovia* (Hongrie), sous la monarchie des Habsbourg. A cette époque, l’antisémitisme y était particulièrement virulent, mais la famille Roth semblait disposer de permissions spéciales. (Les juifs devaient rester en dehors de la ville).
Son père meurt alors qu’il avait dix ans. Sa mère, disposant d’une rente,  resta en ville, et travailla dans une restaurant Kasher. Le jeune Roth partit faire ses études à Vienne (Autriche). L’école de médecine de Vienne était en proie à un conservatisme absolu. La médecine homéopathique prônée par Samuel Hahnemann n’était pas vraiment au goût du jour …Ce n’est que vers 1829 que celle-ci fût autorisée.
C’est à cette période, probablement, que David Roth prit fait et cause pour cette nouvelle approche de la médecine. En 1830, une épidémie de Choléra ravage l’Autriche. C’est la panique dans les villes. Les juifs sont accusés d’avoir empoisonnés les puits.
Dans ce contexte, on comprend pourquoi Roth, jeune diplômé en médecine, décide de quitter l’Autriche pour un pays un peu plus clément…
Pendant 30 ans il exercera la médecine homéopathique auprès d’une riche clientèle parisienne. Il sera dans les années 1840, médecin conseil à l’Ambassade d’Autriche, à Paris.

Sa production éditoriale n’est pas négligeable ! En 1832, il publie son "Instruction sanitaire contre le choléra morbus", fruit de son "expérience hongroise". Il dit y avoir soigné un nombre important de patients.
Entre 1836 et 1840 il publie « Clinique homéopathique », un énorme recueil en 9 volumes recensant près de 5000 observations cliniques.
Son « Histoire de la musculature irrésistible ou de la chorée normale », lui vaudra une médaille d’encouragement de l’Académie Nationale de Médecine  en 1850.
Ses talents de traducteur (Anglais/Français/Allemand) en feront un diffuseur incontournable de la « pensée homéopathique » en Europe.

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II) Dr Roth, inventeur de machines à calculer

Source : Multiple !

Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser notre docteur à sortir du cercle homéopathique pour inventer des machines à calculer ?
Depuis 1822, le temps était  plutôt calme côté calcul mécanique. Il est vrai que les contingences économiques et sociales y étaient peu favorables !

Les années 1840, boostées par l’Exposition Nationale de 1844,  marquent le début de la grande aventure ! Entre 1840 à 1844, Roth dépose 6 brevets d’invention ! Totalisant 72 pages ! Ce n’est pas rien !

Brevet

Date de dépot

Date de délivrance

 

 

 

Brevet source

21 mai 1840 

28 septembre 1840

 

 

 

1ère addition        

18 juin 1841  

11 octobre 1841

2ème addition       

27 octobre 1841

7 mai 1842

3ème addition

24 novembre 1842

31 décembre 1842

4ème addition

15 mars 1843

17 avril 1843

5ème addition

18 mars 1844

5 juin 1844

Il présente à l'exposition Nationale de 1844 plusieurs machines à calculer ainsi que des compteurs à gaz. Une médaille de bronze lui sera décernée pour ses inventions.

Extrait :in "Compte rendu de l'exposition nationale de 1844"
"Le docteur Roth a présenté à l'examen du jury des machines arithétiques de son invention; les unes destinées seulement aux deux premières règles, les autres plus complètes opérant aussi la multiplication et la division; il a présenté en outre des compteurs pour des machines à vapeur, et d'autres appareils analogues. Aucune de ces machines n'est nouvelle quant au but qu'elle se propose; mais le docteur Roth a résolu ces divers problèmes par des moyens simples et dignes d'intérêt. Le jury accorde au docteur Roth une médaille de bronze"

Un autre inventeur, que nous connaissons tous, présentera lui aussi plusieurs machines à calculer : c'était Thomas de Colmar. Ce dernier ne recevra qu’une médaille d’encouragement….

Les deux hommes se connaissaient-ils ?

Petite anecdote
En mars 1843, l’une des plus importantes pharmacies homéopathiques s’implante à Paris au 15, rue du Helder (Pharmacie Catellan). Le Dr Roth devait fréquenter ce lieu de temps à autre. Thomas de Colmar habitait juste à côté, au N° 13 ! Amusant ! Non !


Ce qui est certain, c’est que Roth connaissait les travaux de Thomas car il le mentionne dans un mémoire descriptif déposé le 18 juin 1841 en préambule de son deuxième brevet (Brevet d’addition et de perfectionnement).

Bref ....

Ses petits additionneurs connurent un certain succès commercial. En 1843, un brevet d'invention est déposé en Angleterre par un certain David-Isaac Wertheimber, son agent commercial (Cf Le mystère Wertheimber ). On retrouve également des modèles adaptés au marché russe, allemand, italien. Le conservatoire des Arts et Métiers possède même un prototype en japonais !

Fiables, ils étaient également très bon marché.
Théodore Olivier, Professeur de géométrie descriptive au conservatoire des Arts et Métiers en fit un rapport élogieux à la Société d'Encouragement pour l'industrie nationale, le 12 juillet 1843 (Cf BSEIN).
Après examen par L. Lalanne, ingénieur à la section des chemins de fer, le Ministère des travaux publics en commanda 12 exemplaires le 29 juin 1844.(9 exemplaires du modèle à dix chiffres, et 3 du modèle à huit chiffres).

On ignore à ce jour le nombre total d'additionneurs construites par Roth et Wertheimber. Contrairement aux arithmomètres Thomas de Colmar, leur présence dans les collections publiques et privées est fort rare. Elle ne dépasse pas la trentaine, mais ce chiffre est provisiore.
Le Musée des arts & métiers de Paris en conserve le plus grand nombre (une vingtaine). Presque toutes proviennent de l'ancienne collection Edouard Lucas, qui en fit don au musée en 1888. ( Lucas les avait-il obtenu de Roth peu de temps avant qu'il ne décède en 1885, ou les avait-il racheté à Drouot lors de la 'Vente Roth' en 1887 ?)

Il est intéressant de remarquer que tous les additionneurs de Roth sont en mode décimal, même celui dont les inscriptions sont en japonais. En revanche, ceux portant le cachet Wertheimber sont exclusivement des machines adaptées au marché étranger (Angleterre, Allemagne, Italie, etc ...).
Il conviendra de s''interroger sur le rôle de Wertheimber dans cette affaire: simple agent commercial ? Ingénieur mécanicien comme l'a été L. Payen pour l'arithmomètre Thomas ? Il y a encore beaucoup de choses à découvrir, j'en ai bien peur !..

En ce qui concerne sa machine multiplicatrice, seuls deux prototypes sont connus (CNAM, inv. xxx et inv. xxx). Il est à craindre que Roth n'en n'ait jamais construit d'autres exemplaires. Pourtant, un article du Times en date du 13 octobre 1841 suscita l'espoir ! L'article indique que le prince Albert, lors d'une démonstration à la Polytechnic Institution de Londres, aurait passé commande de deux exemplaires.*3
Courrier direct à l'archiviste de Buckingham Palace ! Mais réponse ... négative !
A suivre ... car tous les placards de la Royauté n'ont pas été ouverts !!!

Notons que Roth inventa deux autres multiplicatrices. L'une, à réglettes, est plus un instrument à calcul qu'une machine à proprement parler, car il n'y a pas de mécanisme de retenue. L'autre est une très intéressante multiplicatrice à engrenages continus, plus simple de construction que sa machine circulaire.Une partie du mécanisme est conservée dans les réserves du CNAM. On ignore si notre inventeur en construisit une modèle entier. (pour plus de détail, voir la rubrique sur les modèles).

On sait finalement bien peu de choses sur les rapports qu'entretint Roth avec ses machines à calculer. Car il faut bien dire que l'essentiel des documents dont nous disposons est concentré sur 4 années seulement ! Quatre petites années pendant lesquels il déposa ses brevets, et travailla à la construction de ses instruments.

Et puis après, plus rien ... Il est absent à l'exposition universelle de 1849, alors que d'autres inventeurs présentent des machines à calculer (Cf Thomas de Colmar, Maurel & Jayet). Pas de Roth à l'exposition de 1851 (Londres), ni à Paris en 1855. IL semblerait que notre homme ait abandonné la mécanique !

Jusque dans les années 1860, il continua à exercer la médecine homéopathique auprès d'une riche clientèle parisienne.

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III) Dr Roth, collectionneur d'Art

Passionné d'art, il parvint à constituer une fort belle collection de gravures anciennes, notamment de Dürer, dont la Bibliothèque Nationale en conserve aujourd'hui les trésors.(Cf vente Roth ? 1888 ??).
Son oeil sûr et avisé en fit un conseiller artistique incontournable de la famille Rothshild. (Rappelons que Roth était dans les années 1840 le médecin particulier de l'ambassadeur d'Autriche à Paris, qui n'était autre que le Baron Rothschild).

Alors qu'avec l'âge, sa vue faiblissant, il s'amusait toujours à étonner ses amis. Il suffisait que l'un d'eux lise l'inscription portée sous la gravure pour que notre passionné en fasse une description des plus complètes.
Lorsque qu'il devint complètement aveugle, il vendit une partie de sa collection à la famille Rothschild, collection aujourd'hui conservée au Musée du Louvre.

Roth n'eut pas d'enfants. Il est enterré au cimetière de Montmartre avec sa femme Nathalie Sassary et son beau-fils.

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*1 Aujourd’hui en Slovaquie

*2 En fait il espérait gagner le Prix Civrieux de l’Académie, mais ne put le terminer à temps.

*3 Ainsi que de deux additionneurs

 

 

www.ami19.org
Valéry Monnier
2011